La chute de Buffy Ste-Marie se poursuit. La finalement non-autochtone et non-canadienne a été dépouillée de ses prix Juno, Polaris et de sa place au Panthéon de la musique canadienne, en plus de l’Ordre du Canada, en janvier.
Dans un monde où l’on peut devenir ce que l’on veut en autant qu’on s’y identifie, on condamne sans appel cette artiste qui a forgé une étrange légende autour de sa personne. Comme publicitaire, j’ai passé mon temps à voir des gens d’affaires ou des artistes parler de succès fracassants quand ils jouaient dans une salle vide à l’autre bout du monde ou parler de produits révolutionnaires quand ceux-ci n’ont pas encore quitté la table à dessin.
Tout est spéculation et perception.
La chanteuse et actrice a peut-être tourné les coins ronds sur ses origines mais jamais au grand jamais sur ses convictions. Elle défend bec et ongles les Autochtones depuis 61 ans. Elle a chéri notre pays, le Canada. Est-ce qu’un acte de bravoure ne vaut rien si on n’a pas de passeport dans le pays de nos exploits ou la bonne couleur de peau?
Je discutais avec un ami métis cette semaine. Il me disait qu’aucun artiste n’a fait autant et aussi longtemps pour la cause des Premières Nations. Se serait-elle donné tout ce mal, allant jusqu’à être barrée par Johnson et Nixon, uniquement pour se positionner commercialement? Suite à cette mise au ban, normal qu’elle ait cherché à se « canadienniser », instinct de survie oblige.
J’ai de lointaines racines amérindiennes du côté de la grand-mère de mon père. Je ne passerais jamais le test de l’ADN et pourtant, je défends le peuple autochtone. J’ai souvent écrit sur le sujet et j’ai même fait une chanson appelée Marcher ensemble avec Mike Paul, artiste des Premières Nations. J’ai été invité à manger par mes amis Innus en pleine forêt. Je me suis senti adopté par ces gens. L’amour était bien au-dessus de nos origines. Le combat des Premières Nations est toujours venu me chercher.
Est-ce mon sens de la justice ou le centième de mon ADN qui s’exprime? Je l’ignore.
Buffy Ste-Marie n’a jamais eu l’air blanche. Elle s’est identifiée aux peuples autochtones, probablement le résultat d’une jeunesse rebelle qui se cherche et d’une empathie pour la situation qu’ils vivaient, en plus d’avoir clairement une apparence physique convaincante. Parfois, il n’en faut pas plus à un artiste naïf pour se sentir investi d’une mission.
Est-ce que le coeur est un fraudeur? Non.
Je ne crois pas que Buffy Ste-Marie ait eu de mauvaise intention. Je ne crois pas qu’elle mérite ce qui lui arrive. Elle n’a rien de pire que Joseph Facal, né en Uruguay ou Boucar Diouf, né au Sénégal. Tous deux ont eu l’appel d’une société à laquelle ils se sont identifiés et sont devenus de grands Québécois. Pourtant, l’ADN ne correspond pas. La seule différence qu’ils ont avec Buffy Ste-Marie, ce sont leur passeport. Et bien souvent, sans le papier, mentir sur ses origines devient la seule option.
Y’a pas vraiment de passeport pour faire partie des Premières Nations, qu’on ait consacré notre vie à leur cause ou pas.
Je crois que cette artiste aurait dû être pardonnée et faite citoyenne honoraire du Canada et des Premières Nations au lieu de se faire assassiner ainsi à 84 ans. Combien de gens célèbres ont changé de nom et menti sur leurs origines ou leurs actions, d’artistes à journalistes, en passant par des chercheurs universitaires? Même Trump est en train de renommer des lieux géographiques, occultant leurs origines autochtones ou carrément en réhabilitant les personnalités sudistes associées à ceux-ci.
Buffy Ste-Marie n’a rien fait de tout ça. Si elle avait suivi ses origines italiennes, elle n’aurait jamais été ce porte-étendard de la cause autochtone. Avait-on vraiment les moyens de s’en passer?
Jouer à l’agent double a rendu service à la société et a contribué à l’humaniser. C’est un rare cas où le mensonge a été payant pour beaucoup plus de gens qu’à son auteure seule. Ça ne vaut rien, ça?
Merci, Buffy Ste-Marie.