Guillaume Abbatiello de Pizza Salvatoré semble être un winner. En plus de son travail, il donne son opinion sur l’économie. Il peut bien prendre la parole car son organisation est une réussite partout au Québec. Le type ne vend pas de l’air.
Ayant été publicitaire au service de nombreuses entreprises, je connais bien le type de personnalité. Des gens qui n’ont pas peur de l’ouvrage mais qui ont tendance à penser que tout le monde devrait faire les mêmes sacrifices qu’eux. Ils ont tellement leur entreprise dans la peau qu’il leur est difficile de croire que tous ne partagent pas leur enthousiasme. Un leader en affaires n’a pas le choix de penser comme ça s’il veut que ce soit rentable et que les nombreux investissements fassent des petits.
Dans un contexte inflationniste, il est évident qu’on panique. On enregistre une baisse de clientèle car les gens en ont moins dans leurs poches. À court de solutions, on cherche des coupables.
Les artistes sont une cible de choix, ayant l’air de ne rien faire à part marmonner des mélodies en grattant une guitare. Dieu sait qu’on pourrait s’en passer. Avec l’argent économisé, les gens achèteraient plus de pizza. C’est logique. Peut-être pas, finalement.
Je suis aussi un auteur-compositeur-interprète. L’autre jour, j’étais au Maxi et je voyais les gens faire leur épicerie relaxe au son de ma musique. Oui, la musique, cet étrange son qu’on entend à peu près partout. C’est tellement facile et accessible qu’on oublie que ça coûte quelque chose à faire, croyant que la gloire d’être joué devrait suffire à son créateur. Mais je me retrouve là, dans l’allée, à faire attention à ce que je mets dans mon panier car la célébrité ne vaut rien une fois rendu à la caisse, même si personne ne s’est plaint de m’entendre jouer, au contraire.
M. Abbatiello a un peu trop livré le fond de sa pensée cette semaine. Cherchant des solutions à notre économie, il a osé remettre en question les investissements de l’état en culture, allant même jusqu’à se demander si ce qu’on produit au Québec était de la marde, ces créations ne réussissant pas à s’autofinancer. Oups.
La culture fait partie d’un écosystème qui génère énormément de retombées. Lors de n’importe quel spectacle, la salle roule, les employés de la salle, les restos en périphérie, les stationnements, les concessions de bière et même jusqu’à l’essence qu’on dépense pour se rendre au lieu dudit événement. Tout ça pour passer un bon moment.
Mais pour remplir une salle, on a besoin de matière première, d’un numéro de standup, d’un album musical, d’un band bien rodé. Là,tout à coup, ça ne vaut rien. C’est de l’argent tiré par les fenêtres.
Ça ne marche pas.
En mode « damage control », une membre de la famille Abbatiello a tenté de se dissocier des propos de son frangin en soutenant que Pizza Salvatoré investit un million de dollars en culture, s’associant à plusieurs événements. Un million ? C’est sûrement que ça doit être rentable, non?
Questionner les méthodes de financement, oui. Questionner les continuels copinages et biais dans l’attribution des subventions, oui. Mais se demander si financer la culture, c’est jeter l’argent des contribuables par les fenêtres, non.
Moi j’ai la malchance de ne pas être subventionné. La seule aide privée que j’avais a cessé, climat économique oblige. Et mon métier de graphiste qui sert à payer mes créations est en train de se faire remplacer par l’IA. Si M. Abbatiello se demande si notre culture subventionnée est de la marde, je n’ose pas me demander ce qu’il pense de la mienne qui ne bénéficie d’aucun financement.
Que penserait-il si je me demandais publiquement si le pepperoni de ses pizzas est frais? Tsé là, juste assez pour semer le doute.
Imaginez si j’installais de grands panneaux aux abords de ses restos pour parler de gras saturé, de charcuterie cancérigène, d’indice glycémique, d’acidité gastrique, de cholestérol et de tous les coûts sociaux reliés à ces maladies.
La pizza, un peu comme la musique, va bien au-delà du combien ça coûte à Jacques ou à Sylvie. C’est un moment entre amis, c’est quelque chose qui a toujours fait partie de notre vie, c’est du réconfort, c’est du plaisir. L’une nous permet de manger nos émotions et l’autre, de les vivre par procuration.
C’est tu pas formidable, ça? Alors comme nos produits sont presque parents, M. Abbatiello, excusez-vous donc car nous insulter, c’est vous insulter vous-même. Y’a rien de rationnel dans la musique comme dans la pizza. Pensez-y un peu.
Je pense que je vais aller faire une toune de pizza, moi!
Bonne journée.