Je n’avais pas regardé Tout le monde en parle depuis un sacré moment. Deux ans? Cinq ans? Un show complet, ça fait près de dix ans. J’ai été interpellé par un boucan médiatique appelé Alphas, un documentaire de Simon Coutu qui parle d’un phénomène appelé « manosphère », une mouvance sexiste et conservatrice qui gagne de plus en plus d’adeptes, surtout chez les jeunes. Un peu comme le tabac ou les néo-nazis, je pense que tout enjeu mettant en danger le tissus social mérite d’être abordé. Une pétition recueillant pas moins de 25 000 noms et dénonçant la vitrine de grande écoute qui allait être donnée au sujet maudit, a été lancée et a fait boule de neige en quelques heures.

Tout le monde en parle a décidé de gérer le scandale et en même temps, disons-le, saisir la balle au bond pour que tout le monde regarde. C’est réussi. Mais comme dans tout show de télé qui se respecte, on devra aussi se taper une pléthore radio-canadienne qui nous donne l’impression que rien ne change au petit écran. D’un népotisme indigeste.

Le bal commence avec Véronique Cloutier et Christine Beaulieu, venues présenter leur nouveau film de Noël. La première a énormément de talent. Elle est tellement partout que je retiens mon souffle le matin par crainte qu’elle n’apparaisse dans mon tiroir de bas ou quand j’ouvre le frigo. Quant à madame Beaulieu, j’ignore de qui il s’agit, ayant coupé le câble il y a plus de dix ans. Elle semble quelqu’un de bien. Le film se veut une continuité d’une série qui joue sur Rad-Can depuis des années, financée par vous et moi et la compagnie de production du mari de madame Cloutier. Cette dernière qui a une chaîne télé, un magazine, un show de radio, des shows de télé, un show d’humour, étire son infinie carte blanche jusqu’à vouloir être actrice encore une fois. Grand bien lui fasse. Elle parle évidemment d’une édition spéciale de La Fureur et in extremis, de son show Zénith qui part en tournée. De la plogue ad nauseam.

Arrive ensuite Mona de Grenoble, une Drag Queen qui est obligée de manquer royalement de classe pour faire réagir les gens dans son show d’humour dont j’ai trouvé les extraits aussi drôles qu’un pickup à calotte qui rage au volant. C’est signe que les mentalités commencent à changer. S’agit plus de s’habiller en femme pour attirer l’attention. Ça prend du contenu aussi. Le festival de la lambada médiatique se poursuit, de Grenoble frottant son personnage jusque dans la Fureur de Véro. Elle fera partie de l’équipe des gars. On sent que le débat s’essouffle au sujet d’où elle/il devrait loger. À peut ben aller où elle veut la Mona. C’est du divertissement.

Vient enfin la raison de ma présence devant l’écran. Les invités arrivent. Un journaliste, un peu dépassé par ce qui se passe, un érudit de l’UQAM et King Kong en personne, Julien Bournival, un vendeur de thermopompes de Tampa Bay, fier propriétaire d’un fusil d’assaut pour défendre sa femme au foyer, défendre son mode de vie biblique, traditionnel et un amalgame de bullshit entrepreneuriale et d’éthique, question de sauver le cauchemar américain. Ce mouvement représente essentiellement des hommes qui ne peuvent être biens que s’ils dominent le sexe opposé. Qu’on s’attaque à ce fléau est une chose essentielle mais la manosphère a bien peu de différences avec la plupart des religions orthodoxes qu’on tolère et même subventionne au niveau de leurs écoles. Pourquoi condamner un tout en tolérant l’autre?

Bournival voulait un show en direct pour être certain de ne pas être édité ou coupé au montage. Finalement, beaucoup de bruit pour rien. Il a un discours d’arriéré, limité et pathétique. Je crois que le mouvement de la manosphère a probablement perdu des joueurs hier, tant c’était n’importe quoi. Et si le type embrasse les traditions, que fait-il à vendre des thermopompes, refusant de vivre à la température que Dieu a décidée? N’importe quoi pour passer à la télé.

Mais je ne comprends pas l’attitude sur le plateau. On voudrait comme questionner la pertinence du documentaire, pas vraiment pour le questionner mais plutôt essayer de le dédouaner. Le flou s’estompe quand on apprend le lendemain par la plume d’Hugo Dumas que le producteur de Tout le monde en parle, Guillaume Lespérance est également le producteur dudit documentaire controversé. Même la rédactrice en chef de Tout le monde en parle, Manuelle Légaré a coscénarisé et coréalisé Alphas.

Ce que je croyais un stunt publicitaire s’est avéré du damage control pour noyer le poisson sauf King Kong qui n’a eu besoin de l’aide de personne pour sombrer dans l’insignifiance abyssale.

Véronique Cloutier a même osé croiser le fer avec ce dernier. Elle est tellement à l’aise, j’avais l’impression qu’elle disait à Guy A. Lepage qu’elle pourrait facilement animer son show (un autre) à sa place.

Histoire de détendre l’atmosphère, on a sorti Patrice L’Ecuyer du costumier de la société d’État pour parler de son nouveau show d’humour. On se demande un peu ce qu’il fait là. Évidemment, on comprend mieux quand on apprend que feu Jean-Claude Lespérance (le père de Guillaume) était son gérant et que l’histoire d’amour entre « l’humoriste » et la société de production Avanti dure depuis plusieurs décennies.

Finalement, j’ai pas toffé le reste du show. Du népotisme en expresso allongé… un moment donné, si on veut dormir, faut savoir s’arrêter.

Auteur