Mon père disait souvent : le hockey ne sera jamais aussi bon que dans le temps de Maurice Richard! Je le regardais avec incrédulité, étant impressionné par Wayne Gretzky et compagnie. Avec le temps, je crois qu’il avait un peu raison. Des gars de shop avec à peu près aucune protection, des salaires ordinaires et des palettes même pas courbées. Des gardiens de but pas de masque qui, une fois de temps en temps, se retrouvaient le visage ensanglanté et avec des dents en moins. Des petits gars qui imitaient leurs idoles dans les ruelles avec pour jambières des vieux bottins de téléphone et un crottin de cheval gelé comme rondelle. C’est dur à battre comme misère.

Hier soir, je regarde Queen Rock Montreal sur la télé. La prestation de l’iconique groupe au Forum en 1981 a été remastérisée pour IMAX et lancée l’hiver dernier. Je l’avais manquée un peu volontairement, me disant que ça avait sûrement très mal vieilli. Dans le salon, ça coûte rien, je me suis dit pourquoi pas?

Je suis tombé par terre. Des musiciens extraordinaires, totalement en synergie et un chanteur talentueux, charismatique qui n’a pas, selon moi, trouvé d’égal, même de nos jours.

Je regarde un système d’éclairage archaïque, une scénographie rudimentaire, un excès de boucane pour essayer de rendre cela plus fabuleux. Les chansons sont mieux d’être bonnes. Et elles le sont! Que dire du public, pas de téléphone pour témoigner du moment? Juste des neurones qui vont se rappeler avec une certaine mythologie de l’événement.

Aujourd’hui, on se rappelle du show qu’on a vu mais pas vraiment des mélodies. Le spectacle est rendu un tout. Pink a besoin de se mettre un harnais pour voler au-dessus des gens. U2 a besoin de la sphère de Vegas. Taylor Swift a besoin de paillettes, d’une scène immense et de projections à couper le souffle.

Freddy Mercury, lui, avait besoin de sa voix, d’un piano et de même pas un pied de micro au complet. En 2024, il y a encore des exceptions. Céline à Paris avait besoin de sa fragile voix et d’un piano. Faut dire qu’elle a travaillé avec un minimum très longtemps.

Certains de mes musiciens me disaient après un show : les erreurs, personne ne s’en rend compte. Ce à quoi je répondais : Quand c’est parfait, tout le monde s’en rend compte. À défaut d’avoir une pléthore d’artifices multimédias, la seule option était d’en mettre plein les oreilles avec ce qu’on avait comme talent.

C’était aussi l’époque des épisodes iconiques de la Guerre des étoiles. Avec des possibilités d’effets spéciaux limitées, ça prenait une histoire, des personnages attachants, des phrases-cultes dont tous se rappelaient.

À la fin juin, j’étais en Angleterre et je piquais un brin de Jasette avec mon ami Paul Watts, directeur du marketing international pour Queen dans les années 70-80. J’adore parler du groupe avec lui car il se métamorphose. Ses soixante-dix ans en deviennent trente et c’est de le voir soupirer d’étonnement, de me dire à quel point tout était broche à foin comparé à aujourd’hui mais qu’il n’échangerait jamais cette époque remplie d’humains et d’humanité pour une jeunesse dans le 21e siècle.

Je suis obligé d’être d’accord avec lui quand je regarde l’excentrique Freddie Mercury se dandiner comme un paon, à une époque où l’homophobie était le standard, où l’on tolérait « ces gens » sur scène seulement. Sans avoir à se travestir comme Bowie, il n’entretenait aucune ambiguïté sur sa nature. What you saw was what you got. Son immense talent et son énergie ont transcendé tout ça pour en faire un leader important et crédible auprès de milliers de spectateurs. Il ne passait pas de messages. Il était le message.

En 1981, j’avais douze ans. Je ne pouvais pas regarder ce film avec une grande nostalgie, les gros spectacles étant quelque chose d’inaccessible pour moi. Mais c’était effectivement l’âge d’or, juste avant le New Wave où la machine a commencé à prendre une place presqu’aussi importante que les humains. C’était beau également mais pour moi, pas autant.

Bon week-end.

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