Je n’ai jamais été bon en mathématiques. Je sais quand même calculer un minimum même si ce n’est pas mon passe-temps favori. Je vis un épisode de dénombrement depuis le début de l’été. Trouble obsessionnel pour certains, il s’agit d’une curiosité pour moi. Ça a commencé à Paris.

Nous traversions une rue, puis une autre, puis une autre et à chaque fois, tel un essaim d’abeilles, les vélos fonçaient à toute vitesse sur nous. Ils étaient sur le trottoir, la piste cyclable, la rue ou les trois en même temps. Et c’était drôle parce qu’un français qui a son foulard dans le cou, son vélo vintage, ses cheveux au vent et ses lunettes d’intello, arrivait en trombe en faisant « dring dring » avec sa petite clochette fixée à son guidon… j’entendais le classique d’Yves Montand mais heavy metal, disons.

Le nombre et la loi. Voilà! Quand un groupe atteint un nombre suffisant, il fait la loi. À Paris, les vélos font la loi. Évidemment, il s’agit de presser le pas pour éviter le pire car eux, ne s’arrêteront pas. Soucieux, je chasse cette pensée de ma tête car c’est presque un slogan parano du Rassemblement National, la Ville Lumière vibrant au premier tour des législatives françaises.

De retour à Québec, nous voilà dans un bucolique restaurant en bordure du fleuve, à proximité de la plage Jacques-Cartier. Lors du départ, je n’arrive pas à sortir de mon stationnement car une dizaines de marcheurs prennent le pavé, au diable le trottoir, on passe et c’est tout. Mon équation me revient.

Sur chemin Ste-Foy, je suis entouré de trois vélos du service municipal À Vélo. Trois jeunes sur le party. Un sur la piste cyclable, l’autre sur le trottoir et le dernier, à ma gauche… oui-oui! À ma gauche. Ils vont presque aussi vite que moi et trouvent ça très drôle. Moi, je suis pris en sandwich entre trois pas de tête… Évidemment, pas besoin de porter un casque… J’entends l’écho de mon équation. C’est pas grave, ce sont juste des vélos.

Il y a deux jours, nous allons à Montréal en famille et on profite de la piscine intérieure de l’hôtel. On rigole et soudainement, une quinzaine d’Indiens de l’Ontario font leur entrée dans l’enceinte. On hoche la tête avec le sourire. Après tout, plus on est de fous, plus on rit, non ? Pas vraiment. Il y a un malaise. Ils se baignent tout habillés, les fillettes comme les garçons avec leurs pères. Les femmes sont là mais ne se baignent pas. Le bikini de mon épouse et de sa fille ne passent pas. On nous regarde, un peu scandalisé. On arrête de s’amuser. On finit par s’en aller mais mon épouse demande qu’on aille lui chercher une serviette pour se couvrir. Le malaise est à ce point. On se sent défiants, vulgaires, condamnables. Pourtant, personne n’a rien dit. On a juste compris qu’on n’avait plus d’affaire là.

J’ai compté, c’était plus fort que moi. On a perdu 15 à 5. Personne de la majorité ne semblait avoir embrassé nos valeurs canadiennes de tolérance. Moi, le citoyen du monde, j’ai eu la chienne que ça se passe ailleurs que dans une piscine. Quel contrat social passe-t-on avec les nouveaux arrivants? Comment les intègre-t-on à notre société? Va-t-on devoir se battre pour conserver nos acquis si on n’est plus majoritaires? J’ai des amis de toutes origines. J’aime la planète. J’aime la paix et je ne voterais jamais pour l’extrême droite. Mais… je suis inquiet.

Heureusement, je compte aussi les moutons pour m’endormir et balayer tout ça sous le tapis.

Zzzzzzzzzzz

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